Le Syndicat de la Magistrature a dénoncé, vendredi, le « silence » du ministre de la Justice et garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti « sur les violences policières illégitimes » commises dans le cadre des manifestations contre la réforme des retraites.
Dans une lettre ouverte adressée au garde des Sceaux, le syndicat rappelle la dépêche émise par ce dernier, le 18 mars, à l’attention des magistrats, leur demandant de la fermeté contre les manifestants interpellés par les forces de l’ordre.
Le Syndicat de la magistrature rappelle la « multiplication des témoignages sur les usages illégitimes de la force et la diffusion dans les médias de nombreuses vidéos mettant en cause les forces de l’ordre dans l’exercice du maintien de l’ordre tant lors des manifestations contre la réforme des retraites qu’à Sainte-Soline » et ajoute que « n’a entraîné aucune réaction » du ministre de la Justice.
L’union syndicale interroge ensuite le ministre sur le sens de cette dichotomie. « Doit-on en comprendre que ces violences vous sont indifférentes ? Qu’elles ne méritent pas de traitement urgent par les parquets compétents ? Le ministère de la Justice craint-il d’être taxé de « terrorisme intellectuel » pour faire preuve d’aussi peu d’indépendance ? », lit-on dans la lettre ouverte destinée à Éric Dupond-Moretti.
Le syndicat ajoute que « cette dissymétrie répond en réalité à une stratégie politicienne surjouant l’antagonisme entre un camp républicain à ménager – celui des forces de l’ordre – et un camp illégitime, celui des manifestants » et appelle le ministre ainsi que le pouvoir Exécutif à ne pas mêler le pouvoir judiciaire à ces « stratégie » politiciennes.
« Votre silence sur les violences policières illégitimes s’ajoute aux obstacles très souvent décourageants que rencontrent les manifestants victimes de celles-ci, du dépôt de plainte – les réticences à porter plainte sont fortes –, à la recherche de la preuve – nous nous étonnerons ici que les forces de l’ordre puissent en toute impunité dissimuler leur RIO et porter une cagoule pour ne pas être identifiées, entravant l’autorité judiciaire dans la conduite de ses investigations », lit-on encore dans la missive du Syndicat de la magistrature.
Ce dernier dénonce également une « injuste différenciation du traitement judiciaire dans les parquets », citant l’exemple du parquet de Paris où les enquêtes sur les violences policières illégitimes mènent à « des investigations au long cours » avec « l’orientation en comparution immédiate […] rarissime, voire inexistante », alors que « nombre de manifestants sont placés en garde à vue, notamment pour des infractions obstacles, en l’absence de toute violence commise », et que ces derniers « sont, conformément à vos instructions, déferrés puis parfois orientés en comparution immédiate, dans le but assumé de faire cesser immédiatement le trouble causé à l’ordre public ».
Appelant le ministre à « permettre à la justice d’occuper la place qui est la sienne dans une démocratie, » le Syndicat de la magistrature souligne la « nécessité », dans ce cadre, « d’enquêtes et de poursuites systématiques » à l’encontre des auteurs des violences policières illégitimes, mais aussi que cessent les « privations de liberté arbitraires ».