Quel espion pourriez-vous être ? L’élégant James Bond ou l’orgueilleux Hubert Bonisseur de la Bath ? Au cinéma, ce ne sont pas les espions et les histoires de héros de l’ombre qui manquent. Ils sauvent le monde, déjouent des complots ou tuent des méchants. Ils ont toutes les qualités, ils savent se sortir des situations les plus désespérées, et bien sûr, ils sont toujours bien accompagnés et équipés.
Dans le monde du cinéma, l’espion est souvent cet être à qui tout réussi. « Nous avons fait le choix de présenter des films et des séries. Les mêmes enjeux de mises en scène se font dans les deux genres. C’est vrai que c’est le cinéma qui domine. Le bureau des légendes, une série française, par Eric Rochant, est une série que nous ne pouvions pas manquer », qui présente d’emblée Matthier Orléan, commissaire.
Mais les espions ne sont pas que des personnages de fiction : de nombreux films magnifiques se sont inspirés de la vie réelle. Au cours de l’Histoire, et encore plus en période de guerre, les espions ont joué des rôles essentiels. Mata Hari, Marlene Dietrich, Hedy Lamarr ou même Edward Snowden ont endossé ce rôle.
De nombreux cinéastes ont alors voulu adapter leurs vies prenant plus ou moins de liberté avec la réalité. Et les objets présentés sont ceux de l’Histoire également : « Nous avons voulu montrer deux types d’objet. Dans la première salle, nous avons plutôt des objets d’enregistrement de sons et d’images. Et dans la salle 3, nous retrouvons plus des objets de crimes : du poison, les révolvers dorés en forme de briquet. Nous avons voulu mélanger le réel à l’imaginaire car il y a des objets qui sont vraiment utilisés comme les bagues à poison. Il y a une co-influence entre les deux mondes », insiste Matthieu Orléan, commissaire.
« Top Secret » accompagne donc aussi la très sérieuse marche de l’Histoire, et expose le rôle du cinéma comme instrument de propagande ou de formation des espions. Parce que l’enregistrement du réel se révèle un art nécessaire à l’agent secret, les techniques de captation cinématographiques se retrouvent au cœur des pratiques d’espionnage.
Des pièces de collections
La Cinémathèque offre donc un tour d’horizon des espions les plus marquants du cinéma, tout en présentant de nombreux extraits vidéo. « Notre carte interactive est une mine d’or. C’est comme si vous étiez dans un quartier général d’espions et que vous pouviez choisir plusieurs villes dans le monde, que ce soit en Afrique du Sud ou ailleurs. Nous avons pris des extraits de films qui proviennent du monde entier. Il n’y a pas que l’Europe et les États-Unis. Il y a aussi des films libanais, coréens… Dont Argo qui se passe en Iran », raconte Matthieu Orléan.
L’histoire et la fiction se retrouvent et se mélangent dans ce parcours qui nous fait découvrir les figures les plus impressionnantes de l’espionnage. Les amateurs du genre se régalent toujours, avec une sélection impressionnante d’œuvres et de films à voir.
« Quelques œuvres appartiennent à la cinémathèque. Nous avons une grande collection sur l’histoire du cinéma : avec des affiches dans la première salle, des magazines, des photos … Sur certains films plus récents, nous avons beaucoup moins d’archives. Cela se garde dans les studios indépendants. 25 % de ce que nous voyons appartient à la cinémathèque. Et il y a différents préteurs. En tant que commissaire, j’ai dû chercher les œuvres ici et là. Eon, la société de production de tous les James Bond, nous a prêté le costume, le crocodile etc », présente Matthieu Orléan.
Un genre à part
Mais en ce début de XXIe siècle, chacun peut, avec un simple téléphone portable, collecter ou pirater des informations sensibles, tout en déjouant les systèmes de surveillance de l’État. Le cinéma engagé, plus minoritaire, témoigne de ces nouvelles pratiques, érigeant en chef de file fictionnel le geek Jason Bourne, interprété par Matt Damon dans les cinq films de la saga inaugurée par La Mémoire dans la peau en 2002.
Dans la réalité, ces modèles sont à chercher du côté des citoyens-espions Edward Snowden ou Chelsea Manning, qui font le choix de partager en temps réel devant une caméra des informations classées top-secrètes (Citizenfour, réalisé par la militante Laura Poitras, Oscar du meilleur documentaire, 2014).
Aujourd’hui, ces pratiques d’enquête sont également revendiquées par des artistes engagés: c’est le cas de Trevor Paglen dont les photographies télescopiques mettent en lumière les activités illicites de surveillance perpétrées par les USA.
Et il est certain que la production anglo-saxonne prime : « Le thème de l’espionnage est beaucoup plus développé dans le monde anglo-saxon. En France, nous avons eu du cinéma d’espionnage mais qui n’a pas donné naissance à un vrai genre. Il y a eu des films très militants, patriotes, autour des deux grandes guerres. Dans la foulée des James Bond, il y a eu une prédominance de films humoristiques comme le Gorille, Marie Chantal, OSS. C’est plutôt de la légèreté. Dans les années 90, les sujets plus sérieux arrivent notamment sur la question de la colonisation, du terrorisme etc. J’aime particulièrement La Sentinelle d’Arnaud Desplechin. C’est l’histoire d’un jeune médecin légiste qui vit en collocation avec un espion », complète Matthieu Orléan.
Alors que certains pensaient l’espionnage relégué à des parodies hilarantes à la OSS, l’opposition entre les nouvelles forces en puissance démontrent combien l’art du renseignement est plus que jamais d’actualité, soulevant des questions éthiques et politiques.