La Haute Autorité de la Communication (HAC) du Mali a dénoncé, lundi, ce qu’elle a qualifié de « dérives » de la chaîne de télévision TV5 Monde, en raison d’une analyse du rédacteur en chef Afrique concernant le rapport du Haut- Commissariat aux droits de l’homme sur les événements de Moura, survenus en mars 2022, a indiqué Gaoussou Coulibaly, président de la HAC.
La HAC qualifie cette analyse de »péremptoire, réquisitoire malveillant et jugement sans appel contre le Mali, son Armée et ses Autorités ».
Elle a, en outre, lancé un dernier avertissement, se réservant le droit de se riposter à proportion de la gravité des propos exprimés lors de cette émission.
En effet, selon un communiqué de la Haute Autorité de la Communication, « dans son journal Afrique du 12 mai 2023, la chaîne TV5Monde a accueilli sur son plateau, M. Ousmane Ndiaye, rédacteur en chef Afrique, lequel s’est livré à une lecture « curieuse et inadmissible » du Rapport du Haut- Commissariat aux droits de l’homme sur les événements de Moura de mars 2022″.
L’autorité de régulation indique avoir suivi avec « étonnement et indignation » les déclarations de Ousmane Ndiaye.
Selon Gaoussou Coulibaly, président de la HAC « les propos accusatoires et sans nuance du rédacteur en chef Afrique de TV5 Monde violent toutes les règles de l’éthique et de la déontologie journalistique. En guise d’analyse, M. Ndiaye se livre à une instruction à charge contre le Mali, tire des conclusions hâtives sur fond d’apologie de la haine ethnique ».
Et Gaoussou Coulibaly d’ajouter : « À aucun moment, le souci d’équilibre, du contradictoire n’a animé l’auteur de cette cabale médiatique », avant de condamner avec la dernière vigueur ce qu’il a considéré comme journalisme « de dénigrement et de stigmatisation ».
En outre, la HAC interpelle la Direction Générale de TV5 Monde sur ce qu’elle a qualifié de « dérive éditoriale visant à porter atteinte à l’image et à la réputation du Mali » et lance un appel à la vigilance aux Diffuseurs et à tous les exploitants de signaux qui relaient au Mali la chaîne TV5 Monde, affirmant que cette mise en garde tient lieu de dernier avertissement.
Pour mémoire, le Bureau des droits de l’homme des Nations unies a accusé, vendredi dernier, les forces armées maliennes et des militaires étrangers d’avoir tué plus de 500 personnes, dont la grande majorité a été sommairement exécutée au cours d’une opération militaire de cinq jours dans le village de Moura, dans la région de Mopti, au centre du Mali, en mars 2022.
M.Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a indiqué que les autorités maliennes ont refusé les demandes d’accès au village de Moura, affirmant que la Mission d’établissement des faits est fondée sur des entretiens avec des victimes et des témoins, ainsi que sur des sources d’informations médico-légales et autres, telles que des images satellites.
Dans son rapport, des témoignages ont indiqué que le 27 mars, au début de l’opération, un hélicoptère militaire survole le village Moura en ouvrant le feu sur la population alors que quatre autres hélicoptères atterrissent et des troupes débarquaient. Les soldats auraient encerclé les gens dans le centre du village, tirant au hasard sur ceux qui tentaient de s’échapper.
Les mêmes sources soulignent que certains militants de la Katiba Macina, présents dans la foule, ont riposté aux tirs des troupes au cours desquels au moins 20 civils et une douzaine de membres présumés de ce groupe ont été tués.
Les quatre jours suivants, au moins 500 individus, y compris une vingtaine de femmes et sept enfants, sont exécutés. Cela après que la zone eut été totalement « maitrisée », précise le rapport.
La mission d’établissement des faits affirme avoir disposé des noms d’au moins 238 de ces personnes qui auraient été exécutées et sur la base des témoignages recueillis, celle-ci rapporte que 58 femmes et jeunes filles ont été victimes de viol et autres formes de violences sexuelles.
Le gouvernement de la Transition du Mali a annoncé, samedi dernier, l’ouverture d’une enquête judiciaire contre la Mission d’établissement des faits du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies et ses présumés complices « pour espionnage, atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat », ainsi que pour complot militaire.
Le Colonel Abdoulaye Maiga porte-parole du gouvernement malien a expliqué « qu’en aucun moment, ni la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (Minusma), ni le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme ne lui ont adressé une demande d’autorisation pour prendre des images de Moura grâce à des satellites », soulignant qu »en utilisant des satellites pour obtenir des images, sans autorisation et à l’insu des autorités maliennes, la Mission d’établissement des faits s’est rendue coupable d’une manœuvre clandestine contre la sécurité nationale du Mali ».
Il est à rappeler également que le Mali avait suspendu en mars 2022 la diffusion de deux chaînes publiques françaises, Radio France Internationale (RFI) et de la chaîne de télévision France 24, accusées d’avoir diffusé de »fausses allégations d’exactions commises par l’armée malienne ».
Dans un communiqué, le gouvernement de transition avait évoqué une “synchronisation de matraquage médiatique” savamment “préméditée visant à déstabiliser la transition, démoraliser le peuple malien et discréditer les vaillantes forces armées maliennes”.