Alors que l’Organisation météorologique mondiale des Nations unies et l’observatoire européen Copernicus ont jugé que le mois de juillet 2023 entrera dans l’histoire comme « très certainement le mois le plus chaud jamais mesuré », et que la plupart des pays ont enregistré des semaines de surchauffe, le monde et en particulier l’Europe est aux prises avec les canicules, un des effets du réchauffement climatique. Et encore, ce n’est qu’un « avant-goût » de l’avenir climatique de la planète.
L’ère du réchauffement climatique est terminée, place à l’ère de l’ébullition mondiale
Il s’agit là, sans nul doute, d’un des défis les plus pressants de notre époque. D’où une recherche effrénée des Européens à développer des solutions à même de leur permettre de faire face aux chaleurs extrêmes.
Repenser les villes devient alors essentiel. Mais comment les villes occidentales peuvent-elles s’adapter à ces épisodes de canicule de plus en plus fréquents ? Une réponse prometteuse pour les villes de demain pourrait bien provenir de l’Afrique, continent qui connaît depuis longtemps des conditions climatiques extrêmes et où l’architecture traditionnelle a su s’adapter aux contraintes environnementales depuis des millénaires. En s’inspirant des techniques traditionnelles africaines, l’Europe pourrait trouver des solutions éco-responsables pour affronter les chaleurs extrêmes.
En effet, les constructions traditionnelles africaines ont montré leur résilience face à des météorologies extrêmes telles que les fortes pluies, les sécheresses et les tempêtes. Ces connaissances sont d’une importance cruciale pour les Européens qui font maintenant face à des conséquences grandissantes du réchauffement climatique, notamment les inondations, les vagues de chaleur et l’élévation du niveau de la mer.
Une nouvelle génération d’architectes africains s’intéresse d’ailleurs de nouveau à l’architecture traditionnelle, délaissée auparavant au profit de constructions coloniales et modernes en ciment. Leur approche consiste à utiliser des matériaux naturels, comme la terre, pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments. Diébédo Francis Kéré, le célèbre architecte germano-burkinabé, est un exemple marquant de cette nouvelle vague. Il a reçu le prestigieux prix Pritzker, le Nobel de l’architecture, pour son approche durable, prenant en compte le contexte environnemental et social de ses constructions.
Des solutions ancestrales mais efficaces
L’architecture traditionnelle africaine regorge d’exemples de constructions adaptées aux défis du réchauffement climatique. Dans toute l’Afrique de l’Ouest, les habitations traditionnelles en terre, entourées de végétation, gardent la fraîcheur. Des tours à vent, comme les « malqaf » en Égypte ou « badguir » en Afrique du nord et au Moyen-Orient, assurent une ventilation naturelle. Dans l’est de la Tunisie, les maisons traditionnelles des îles de Kerkennah ont des toits en bois de palmier, un matériau local qui permet de rafraîchir l’intérieur pendant les mois d’été. Les habitations traditionnelles sont aussi astucieusement orientées par rapport au soleil. Dans les zones chaudes, on évite les ouvertures exposées directement au soleil.
Le choix des arbres et des plantes joue également un rôle crucial dans le maintien de la température intérieure, nous explique Driss Merroun, ancien ministre de l’urbanisme du Maroc, dans une interview accordée à TRT Français. Il met notamment en évidence la nécessité d’avoir des plantes à feuilles persistantes et des arbres à feuilles caduques pour réguler la chaleur et l’ombre selon les saisons. Ainsi, le figuier, les platanes et d’autres arbres adaptés sont préférables à l’olivier, qui conserve ses feuilles toute l’année.
Parmi les solutions, l’une des plus répandues est la chaux blanche, largement utilisée dans les régions méditerranéennes pour ses propriétés réfléchissantes. En effet, le blanc peut refléter jusqu’à 90% de la chaleur du soleil. Cette pratique s’est révélée si efficace que même des villes comme New York ont commencé à peindre en blanc leurs toits pour atténuer l’effet d’îlot de chaleur urbain.
Les maisons sont dotées de petites fenêtres et de murs en pierre épais qui aident à bloquer la chaleur extérieure. Ces murs massifs permettent de garder les habitations fraîches en réduisant la quantité de chaleur qui pénètre à l’intérieur.
Un autre élément distinctif de l’architecture traditionnelle dans la région est le moucharabia, un exemple ingénieux de la manière dont l’architecture traditionnelle répond aux besoins spécifiques du climat local. Cette fenêtre en bois ajourée est positionnée de manière stratégique pour permettre la ventilation tout en préservant l’intimité des résidents.
Toutes ces techniques, parmi de nombreuses, ont en commun leur adaptation au terrain, leur utilisation des savoir-faire locaux et des matériaux disponibles, ce qui les rend écologiquement responsables.
Le choix du matériel est primordial
Les matériaux utilisés dans l’architecture traditionnelle sont choisis avec soin pour résister aux différentes températures. Les maisons en terre, pisé et paille sont particulièrement réputées pour leur durabilité et leur résistance.
M. Merroun admet que malgré ces avantages, la pression démographique et la nécessité d’un logement rapide ont conduit à mettre en œuvre des constructions moins respectueuses de ces principes traditionnels. Les villes nouvelles offrent une opportunité de replonger dans cette sagesse architecturale et de concevoir des habitations en harmonie avec l’environnement.
Pour les pays occidentaux confrontés à des variations importantes de températures entre été et hiver, les techniques et matériaux traditionnels africains offrent des solutions intéressantes. Par exemple, l’utilisation de l’argile comme liant pour fabriquer des briques permet de conserver la chaleur à l’intérieur des murs en été et de la redistribuer en hiver.
L’importance de l’efficacité énergétique
Les bâtiments traditionnels étaient conçus avec une ventilation naturelle qui permet de ne pas recourir à une consommation excessive d’énergie. « Il y a des systèmes de ventilation qui permettent des changements de l’air. C’est un passage secret dans la maison où l’air rentre et sort qui permet donc de créer des courants d’air à l’intérieur de la maison » développe Merroun.
Alors que l’Europe s’efforce de réduire sa dépendance aux énergies fossiles, et l’utilisation de la climatisation est de plus en plus remise en cause, les méthodes traditionnelles africaines offrent des leçons précieuses en matière d’efficacité énergétique. Les techniques de construction telles que l’utilisation de murs épais pour conserver la fraîcheur en été et la chaleur en hiver, ainsi que l’orientation des bâtiments pour tirer parti du soleil, démontrent l’intelligence des savoirs locaux face aux défis climatiques.
Une autre caractéristique intéressante de l’architecture traditionnelle est la cour centrale présente dans de nombreuses maisons. « La maison marocaine, dans les siècles passés, était connue pour être une maison qui se construit autour de la cour centrale », fait remarquer Merroun. Cette conception intelligente permet une circulation d’air optimale à l’intérieur de la maison, selon l’ancien ministre. Les courants d’air créés par cette configuration permettent de rafraîchir naturellement l’habitat et de le garder confortable même par temps chaud.
En regardant vers l’Afrique, l’Europe a la possibilité de s’inspirer de pratiques architecturales traditionnelles en harmonie avec l’environnement et résistantes aux températures extrêmes pour se préparer aux chaleurs de plus en plus importantes.