Il s’agira de la quatrième visite d’Emmanuel Macron au Maroc après celles de juin 2017, novembre 2018 et février 2019.

Six ans après, cette visite qui s’est longtemps fait attendre, semble sans doute être la plus importante des deux mandats présidentiels de Macron, car elle vient clore un épisode où les distensions diplomatiques entre Paris et Rabat ont connu une exacerbation rarement vue.

Cette visite est donc perçue comme un acte de réconciliation entre les deux pays et l’occasion de retracer la voie à un partenariat ”d’exception”.

Si le calendrier exact de cette visite n’a pas été diffusé, les grandes lignes de son programme ressortent : Emmanuel Macron sera reçu lundi 28 octobre, par le roi Mohammed VI en personne à Rabat, avant un entretien en tête-à-tête entre les deux dirigeants. L’échange sera ensuite suivi par une cérémonie de signatures d’accords. Le 29 octobre, le président français rencontrera le Premier ministre marocain, Aziz Akhannouch, avant de prononcer un discours devant le parlement marocain.

Pour marquer le coup lors de cette visite, Macron sera accompagné d’une délégation officielle composée de près de 150 personnalités.

Parmi elles, on retrouve le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, la ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet, et le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot pour le volet politique.

Des dirigeants de grandes entreprises tels que Patrick Pouyanné de TotalEnergies et Frédéric Arnault de LVMH feront partie du cortège économique. Seront également présentes des personnalités telles que Jacques Attali et le judoka Teddy Riner pour la dimension culturelle et sportive.

Après le soutien renforcé apporté par la France au plan d’autonomie proposé par le Maroc pour régler le conflit du Sahara Occidental, l’heure est à “l’enthousiasme”.

C’est dans ce sens qu’abonde Jean-Charles Damblin, directeur général de la Chambre Française de Commerce et d’Industrie du Maroc (CFCIM). Il explique lors d’un entretien avec TRT Français que “la communauté d’affaires de la CFCIM, qu’elle soit française ou marocaine, est optimiste et s’attend à voir de nouveaux partenariats scellés dans divers secteurs d’avenir, notamment l’hydrogène vert, les énergies renouvelables, la santé et l’économie bleue”.

Avant d’ajouter que la reconnaissance du plan d’autonomie marocain pour la question du Sahara apporte “une garantie aux entreprises et investisseurs qui souhaitent découvrir et s’implanter dans les Provinces du Sud”.

Dans une lettre adressée au roi Mohammed VI le 30 juillet dernier, Emmanuel Macron a écrit que “le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine” et a annoncé renforcer le soutien de Paris au plan d’autonomie marocain.

Même son de cloche du côté d’Abdelghani Youmni, économiste et conseiller à l’Assemblée des Français de l’Etranger, pour qui, la décision d’Emmanuel Macron de franchir le cap (Ndlr : reconnaître le plan d’autonomie proposé par le Maroc) n’est pas une “décision hasardeuse mais le résultat d’un imminent calcul diplomatique parfaitement ancré aux nouveaux développement mondiaux et régionaux”.

Selon lui, “le politique a été en amont de l’économique” invoquant comme exemple le fait que la France par la voix de son ex-ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a confirmé en avril dernier sa disposition à participer au financement d’un câble électrique de 3 gigawatts reliant Casablanca à Dakhla (l’une des villes marocaines située dans le Sahara Occidental) qui s’étale sur 1 400 kilomètres.

Pour l’économiste, il ne s’agit pas seulement d’un investissement qui contribue “à relier le Sahara au reste du Maroc”, mais c’est également un “acte politique très fort de reconnaissance définitive de la marocanité des vastes trois régions” du sud du Maroc.

Des feuilles de routes ambitieuses

La visite d’Emmanuel Macron va enclencher “une série de feuilles de route qui ont été négociées ces derniers mois”, affirme l’Elysée dans sa communication.

La même source, relayée par la presse marocaine, indique que l’accent sera mis “en matière d’enseignement supérieur et de recherche, en matière d’éducation, en matière d’innovation et de culture, dans le cadre d’une francophonie de valeur”.

Mais ce n’est pas tout, puisque le secteur industriel est évidemment en ligne de mire. D’autant plus que le Maroc organisera la prochaine Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en 2025 et coorganisera (avec l’Espagne et le Portugal) la Coupe du Monde 2030.

Des échéances qui nécessiteront de nombreux chantiers et attireront donc de nombreux investissements, la France, étant en pole position, entend, selon l’Élysée “accompagner le Maroc dans son ambition” de faire de ces évènements “de grands succès”.

Par ailleurs, d’importants contrats devraient être signés lors de cette visite. Si leur nature n’a pas encore été officiellement révélée à ce stade, des sources comme Africa Intelligence croient savoir que des entreprises françaises comme Alstom ou Naval Group sont hautement concernées.

La première pourrait rafler le marché de la Ligne à Grande Vitesse Casablanca-Marrakech et la seconde serait amenée à fournir des services d’entretien et de modernisation pour la flotte navale marocaine, notamment des frégates et autres bâtiments de guerre.

Pour Kamal Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales, contacté par TRT Français, le fait qu’Emmanuel Macron “ait enfin décidé de reconnaître que le plan d’autonomie proposé par le Maroc soit le seul valable pour régler la question du Sahara, ouvre la voie à d’autres avancées importantes”.

“Ce n’est pas encore officiel, mais on parle de l’ouverture d’un consulat français et d’un Institut français à Laâyoune ou à Dakhla”, assure-t-il, allant jusqu’à miser sur le fait que l’annonce sera faite lors de cette visite.

D’ailleurs, la France est déjà présente dans ces provinces du sud comme le rappelle Jean-Charles Damblin dans la mesure où la CFCIM a ouvert dès 2017 une délégation à Laâyoune, avant d’en ouvrir deux autres à Dakhla en 2019 puis à Guelmim en 2024.

Enfin, sur le plan géopolitique et géoéconomique, Abdelghani Youmni affirme que grâce à sa feuille de route factuelle de codéveloppement fondée sur la coopération intra-africaine, le Maroc “permet à la France d’abandonner le paradigme de ‘’la rente de l’interdépendance’’ pour un nouveau modèle de triangulation piloté en partie par le Maroc et fondé sur la prospérité partagée”.

Une vision qui s’accorde avec celle de Paris qui considère que “le Maroc a vocation à constituer un hub entre l’Europe et l’Afrique”, selon l’Élysée.

TRT Francais