La victoire de Rodri est perçue comme une reconnaissance rare pour le poste de milieu de terrain, rarement récompensé par le prestigieux trophée.
En remportant ce lundi à Paris, le Ballon d’Or, Rodri devient le troisième Espagnol à décrocher ce prix, rejoignant ainsi les légendes Alfredo Di Stéfano et Luis Suárez. À 28 ans, le Madrilène de naissance succède ainsi à Lionel Messi, recordman de la distinction (8 trophées).
Rodri a remporté le trophée, au détriment de Vinicius, Jude Bellingham ou encore Dani Carvajal, respectivement 2e, 3e et 4e.
Aitana Bonmati, joueuse du FC Barcelone, a été couronnée du Ballon d’Or féminin comme en 2023.
Une victoire qui divise
Cependant, cette victoire ne fait pas l’unanimité. De nombreux observateurs estiment que Vinicius Jr méritait le prix en raison de son rôle déterminant dans les succès récents du Real Madrid.
Vinícius Jr. avait d’ailleurs dominé le vote du public pour le Ballon d’Or, recevant 41,3 % des voix dans un sondage réalisé par L’Équipe, partenaire du prix. Rodri est arrivé en deuxième position avec 13,5 % des voix.
Le choix de Rodri a donc suscité une vague d’indignation, notamment au Brésil, où Vinicius Junior était largement considéré comme le grand favori. Dans ce pays où le football est roi, la presse brésilienne, notamment le quotidien Folha de São Paulo, exprime une certaine amertume, avançant que le militantisme de “Vini Jr” contre le racisme aurait pu influencer le vote. Vinicius Junior a non seulement été un joueur clé pour le Real Madrid, mais il est également devenu une figure emblématique dans la lutte contre le racisme dans le football.
Sur les réseaux sociaux, Vinicius Jr a réagi en postant le message suivant : « J’en ferai dix fois plus s’il le faut. Ils ne sont pas prêts. » Interrogé sur la signification de ce message, l’entourage du Brésilien a confirmé à Reuters que le joueur faisait référence à son combat contre le racisme. Selon ses proches, cet activisme serait la raison pour laquelle il n’a pas remporté le Ballon d’Or. « Le monde du football n’est pas prêt à accepter un joueur qui se bat contre le système », disent-ils.
Vinicius Jr a subi plusieurs insultes racistes en Espagne, conduisant à au moins deux condamnations, un fait inédit dans le pays. Eduardo Camavinga, milieu de terrain du Real Madrid, a dénoncé l’absence de récompense pour Vinicius Jr. « Football politique », écrit-il avec une croix rouge. « Mon frère, tu es le meilleur joueur du monde et aucune récompense ne peut dire le contraire. Je t’aime mon frère. »
Marta da Silva, six fois meilleure joueuse du monde selon la FIFA, a partagé son indignation, déclarant sur Instagram : « J’ai attendu une année entière pour voir Vinícius reconnu comme le meilleur joueur. Quel genre de Ballon d’Or est-ce ? »
Le boycott de la cérémonie par le Real Madrid
Convaincu que son attaquant brésilien ne recevrait pas le Ballon d’Or, le Real Madrid a décidé de boycotter la cérémonie. Comment aurait-il pu en être si convaincu lorsque l’on sait que les nouvelles règles stipulent que le nom du vainqueur ne sera pas communiqué aux clubs avant la cérémonie ?
Vincent Garcia, rédacteur en chef de France Football, étonné de l’absence du Real à la cérémonie, a affirmé sur le plateau de l’Équipe du soir que « personne n’était au courant, ni au Real, ni à City. L’émotion qu’avait Rodri sur scène, c’est la meilleure réponse. Il n’était pas au courant de quoi que ce soit. [Cette émotion] coupe court à toutes les supputations selon lesquelles on aurait pu avertir l’un ou l’autre. » Il a également mentionné que la pression était forte, alors que « tous les clubs des favoris ont insisté pour avoir l’information ».
La réaction du Real Madrid se justifie, selon Vincent Chaudel, co-fondateur de l’Observatoire du Sport Business, par le fait qu’ »avec plus de 500 millions de followers sur toutes les plateformes de réseaux sociaux, le Real Madrid est le club le plus puissant d’un point de vue marketing, en raison de son palmarès incroyable et des joueurs stars qui ont porté son maillot blanc. » Dans une interview à TRT Français il précise que « les plus connus d’entre eux ont remporté ce fameux Ballon d’Or. Jusqu’à cette édition, les Madrilènes en faisaient même un argument pour attirer de grands talents pour lesquels ce trophée était un objectif avoué. C’est le cas de Mbappé par exemple. Chaudel a ajouté que “l’absence de ce grand club sonne comme un caprice d’enfant gâté. C’est de toute évidence une erreur de communication ».
Pour le spécialiste “avec Bellingham, Mbappé et Vinicius, il n’est pas impossible que le Ballon d’Or 2025 échappe de nouveau à la Maison Blanche.”
Concernant la défaite de Vinicius, Vincent Garcia a assuré : « C’est un triomphe serré, ça ne s’est pas joué à grand-chose ». Évidemment, Vinicius a sûrement pâti de la présence de Bellingham et Carvajal dans le top 5, car cela lui a mathématiquement enlevé quelques points. “Cela résume aussi la saison du Real, portée par 3 à 4 joueurs, et les jurés ont partagé leurs choix entre eux, ce qui a profité à Rodri.”, a-t-il ajouté.
De son côté, Vincent Chaudel affirme que Vinicius, acteur majeur du 36e titre du Real en Liga et de sa 15e Ligue des Champions, Vinicius aurait également été un excellent candidat au Ballon d’Or. « Deux points peuvent expliquer que Rodri lui ait soufflé le trophée in extremis : d’abord, l’Espagne a remporté l’Euro, tandis que le Brésil a été éliminé en quart de finale de la dernière Copa America. De plus, avec Bellingham et Carvajal, trois joueurs du Real se sont partagés les voix des votants, une situation comparable à 2018, où le partage des votes entre les champions du monde Griezmann et Varane a permis à Modric d’être un magnifique « lucky loser ». »
Rodri, un “trophée mérité”
Dès l’annonce de sa victoire, la presse espagnole a célébré avec enthousiasme la victoire de Rodri au Ballon d’Or 2024, un sacre mérité pour celui qui a à son actif 50 matchs, 8 buts (souvent spectaculaires) et 9 passes décisives. Bien que Rodri ne soit pas un buteur prolifique, son succès remet en question certaines idées reçues sur le Ballon d’Or, notamment l’idée que seuls les attaquants peuvent être couronnés. Andrés Iniesta d’ailleurs souvent considéré comme l’un des meilleurs milieux de terrain de l’histoire, n’a jamais remporté le Ballon d’Or malgré ses contributions inestimables à la sélection espagnole et au FC Barcelone.
Les journaux espagnols Marca et AS saluent “la constance et la modestie” de Rodri. Marca le décrit d’ailleurs comme « l’homme le plus normal qui soit » dans un sport souvent dominé par des personnalités flamboyantes.
Selon Vincent Chaudel, « au regard de son impact sur le parcours de la Roja à l’Euro et de celui de son club, Manchester City en Premier League comme en Ligue des champions, ce trophée est mérité. C’est même une bonne nouvelle pour le football en général, qui était sous la domination des statistiques, buts et passes décisives. À ce petit jeu, seuls les attaquants « addicts » aux datas étaient en capacité de remporter ce titre honorifique. C’est donc bon signe de quitter l’ère de l’ultra marketing pour revenir à l’essentiel : le terrain ! ».
Pour rappel, les votants pour le Ballon d’Or sont des journalistes issus des 100 premiers pays au classement FIFA. Ils devaient sélectionner dix joueurs et leur attribuer une note comprise entre 15 et un point. Le joueur ayant récolté le plus de points est ainsi désigné Ballon d’Or. Leurs votes, tenus secrets jusqu’à présent, seront révélés par France Football le 9 novembre prochain.