Kamel Daoud, journaliste et auteur franco-algérien a été choisi dès le premier tour par le jury du prix littéraire, comme une évidence. Dans son roman, Houris, il retrace l’histoire d’une jeune femme muette qui s’adresse au bébé qu’elle porte. Elle lui dévoile peu à peu les fragments de sa vie, avant de lui révéler la raison pour laquelle elle est muette et pour laquelle elle porte une cicatrice de 17 cm au cou.

Ému, l’auteur a évoqué ses parents sur son compte X, et a peut-être aussi pensé à ses grands-parents illettrés chez lesquels il passait ses étés.

Ce livre est l’aboutissement d’un travail que l’auteur a commencé avec “Meursault contre-enquête”, pour lequel il a reçu le Prix Goncourt du premier roman en 2013.

Un livre qui est le pendant algérien de l’Étranger de Camus : le personnage principal est le frère de l’homme que Meursault a tué sur une plage. Il cherche à comprendre pourquoi son frère est mort et mène son enquête dans l’Algérie coloniale.

Le livre est interdit en Algérie

Kamel Daoud aime ausculter l’Algérie et son passé. Cette fois, son livre se déroule pendant la décennie noire, après l’annulation des élections, les mouvements islamistes ont plongé le pays dans une guerre civile causant la mort de 200 000 personnes et poussant un million de personnes à fuir certaines régions.

Le livre a été banni en Algérie, il n’est pas traduit en arabe et même sa maison d’édition, Gallimard, a été écartée cette année du Salon du livre d’Alger qui commence dans quelques jours.

Kamel Daoud ne sera donc pas célébré par l’Algérie. Le premier Goncourt algérien ne sera pas mis en avant par les autorités de son propre pays. Le Quotidien d’Oran n’a pas publié une seule ligne sur le prix remporté par son ancien journaliste. Tout simplement parce que le sujet est interdit en Algérie.

La loi algérienne interdit, en effet, toute évocation des événements sanglants de la « décennie noire », la guerre civile entre pouvoir et islamistes entre 1992 et 2002.

Sa Charte sur la Paix et la Réconciliation nationale stipule, dans l’article 46, que “quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire” est passible de prison.

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Un silence brisé par “Houris”

L’oubli et le silence sont imposés par la loi. Cette charte s’accompagnait du pardon accordé à de nombreux islamistes au nom du retour à la paix civile.

Né en 1970 à Mostaganem, Kamel Daoud est l’aîné de six enfants. Son père est gendarme. Il fait lui des études de littérature pour devenir journaliste.

Il a notamment été rédacteur en chef du Quotidien d’Oran et a couvert les événements de la décennie noire. Sa chronique quotidienne était la plus lue d’Algérie.

TRT Français et agences