L’Europe a sa task force “Trump”, mise en place à Bruxelles depuis le mois de septembre ; ce groupe de travail se réunira dès le 5 novembre pour suivre les résultats et la suite des évènements. L’ambiance est donc tendue dans la capitale européenne.
On se prépare à une guerre commerciale avec des hausses de taxe de 10% à 20% sur les biens exportés vers l’Amérique, ainsi qu’à des conflits sur le numérique, mais toutes les chancelleries européennes redoutent le dossier ukrainien.
Sous le premier mandat de Trump, la politique étrangère américaine avait pris un tournant isolationniste, avec une volonté affichée de réduire les engagements militaires des États-Unis. Son colistier, J.D. Vance, est le porte-étendard de la faction “America First” du Parti républicain. Avec Donald Trump, ils tiennent un discours qui rompt avec l’implication tous azimuts des États-Unis.
De ce fait, les déclarations de Donald Trump au sujet de l’Ukraine ne sont pas rassurantes. Il a promis de régler le conflit en 48 heures. Comment ? On l’ignore. S’agit-il d’obliger les deux camps à négocier ? S’agit-il de geler les positions militaires et d’en tirer une base définitive pour déterminer le territoire de l’un et de l’autre ?
Si le nouveau président se contente de stopper le soutien militaire américain, c’est aussi une source d’inquiétude pour Bruxelles, car les pays de l’UE peinent à livrer l’armement qu’ils ont promis à Kiev et ils sont incapables de remplacer le géant américain en termes logistiques.
Mais le plus inquiétant pour les responsables politiques européens, c’est l’amitié affichée par Donald Trump envers Vladimir Poutine, qui laisse les 27 dans une forme de sidération. L’allié américain pourrait-il privilégier Moscou par rapport à Bruxelles?
Le danger d’une Europe désunie
Un changement de braquet à Washington pourrait aussi faire éclater la cohésion européenne, car l’Europe est divisée au sujet du soutien à l’Ukraine. Les déclarations du Hongrois Viktor Orban illustrent bien les problèmes qui attendent Bruxelles en cas de victoire du républicain.
Le Premier ministre hongrois a déclaré, dimanche, avant la réunion des chefs d’État de l’UE cette semaine à Budapest, qu’en cas de victoire de Trump, l’Europe devrait repenser son soutien à Kiev : “Si ce que nous attendons se passe et que l’Amérique choisit le camp de la paix, l’Europe ne peut pas rester dans le camp des pro-guerre.” Le Premier ministre hongrois a déjà téléphoné à Donald Trump juste avant les élections pour lui souhaiter bonne chance.
À quelques kilomètres de là, dans un autre pays membre de l’Union européenne, un sondage révèle que 43,5% des Polonais estiment que leur pays sera moins sûr si Donald Trump est élu. mais dans le même temps, le parti ultra conservateur PiS, qui est dans l’opposition, estime qu’une victoire du républicain ne serait pas une mauvaise chose.
L’OTAN, un “truc obsolète” pour Trump
Les divisions au sein de l’Union européenne sont belles et bien là, et en perdant la main dans la guerre en Ukraine affaiblirait d’autant que Donald Trump risque en parallèle de reprendre ses coups de boutoir envers l’OTAN.
Pour Washington, le coût de la défense européenne est trop élevé, d’autant plus dans un contexte où le pays se tourne de plus en plus vers l’Asie, au détriment de la vieille Europe. L’OTAN, pilier de la sécurité transatlantique depuis plus de 70 ans, avait été qualifiée ”d’obsolète” par Donald Trump, lors de son premier mandat.
L’ancien président avait notamment insisté pour que les membres européens augmentent leurs contributions financières, certains pays ne versant pas les 2% de leur PIB réglementaires. Ce n’est aujourd’hui plus le cas car la guerre en Ukraine a forcé tous les membres à s’engager davantage, Donald Trump pourrait, de nouveau, menacer de stopper ou de réduire les financements américains, marquant ainsi la fin de l’atlantisme tel qu’on le connaît.
L’Europe forcée de prendre sa défense en main ?
Certains observateurs et élus espèrent que l’Union européenne serait alors obligée d’assurer et d’organiser elle-même sa défense, ce qu’elle n’est jamais arrivée à faire depuis sa naissance, les désaccords et les résistances nationales l’en ont empêché.
Giuseppe Spatafora, de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne, écrit dans un rapport publié en octobre : “L’éventualité d’un désengagement américain en Europe souligne le besoin pour l’Europe de s’occuper plus activement de sa défense, […] Bruxelles devrait renforcer ses liens avec des pays non-européens de l’OTAN, comme la Norvège, la Grande-Bretagne et la Turquie”.
Emmanuel Macron partage cette vision. Pour le président français, l’Europe doit investir davantage dans sa propre défense et sa souveraineté via un emprunt commun, afin de ne plus être autant dépendante de la politique américaine.
Olaf Scholz, le chancelier allemand, n’a pas suivi cette idée pour des raisons financières et politiques, la solidarité et la défense commune ne faisant pas l’unanimité dans son gouvernement.
La division des deux pays moteurs de la construction européenne augure un chemin semé d’embûches, d’autant que les deux dirigeants sont affaiblis après leurs déboires électoraux.
Les dirigeants européens se rencontrent à Budapest jeudi prochain, et les questions concernant le nouveau président américain et l’Ukraine seront sans aucun doute au centre des discussions. La semaine dernière, Donald Trump a qualifié l’Europe de “mini-Chine” ce qui a relancé les craintes d’une guerre commerciale à venir.