Le traitement médiatique des violences survenues à Amsterdam, ainsi que les tentatives de pénaliser l’antisionisme en le qualifiant de « nouvel antisémitisme », révèlent comment l’accusation d’antisémitisme est instrumentalisée.
Cette démarche devient un redoutable outil de terrorisme intellectuel pour étouffer toute opposition à la politique israélienne, qualifiée de génocidaire par ses détracteurs.
Après le match opposant l’Ajax Amsterdam au Maccabi Tel Aviv, jeudi dernier, les rues de la capitale néerlandaise ont été le théâtre de violences et d’incidents graves lorsque des supporters israéliens extrémistes, venus soutenir le Maccabi Tel Aviv, ont déchiré des drapeaux palestiniens accrochés aux alentours, tout en scandant des slogans racistes et génocidaires à l’encontre des Palestiniens.
Des affrontements ont éclaté avec les supporters locaux, faisant plusieurs blessés, et ont rapidement attiré l’attention des médias et des responsables politiques, qui n’ont pas hésité à brandir l’accusation d’“antisémitisme”.
Le double standard des médias français
L’affaire des violences après le match Ajax-Maccabi Tel Aviv à Amsterdam a eu un large écho dans les médias français, donnant lieu à un traitement et à des récits très partiaux au profit d’Israël.
Plusieurs grands médias comme Le Monde, le JDD, Tv5 Monde ou encore CNews ont rapidement titré sur des “attaques antisémites” contre les supporters israéliens, tandis que d’autres n’ont pas hésité à comparer la situation à des “pogroms”, un terme lourd de connotations historiques.
Des chaînes comme BFM TV se sont concentrées sur les agressions supposées contre les supporters israéliens, rappelant “les heures les plus sombres de l’Europe” face à ”l’antisémitisme”. Dans un entretien accordé à TRT Français, le journaliste et historien français Dominique Vidal souligne un déséquilibre flagrant entre le traitement médiatique néerlandais et français.
Il affirme que les journalistes néerlandais ont bien rapporté que les événements ont débuté par des provocations de la part des supporters du club Maccabi. Selon lui, ces derniers ont refusé de respecter une minute de silence en hommage aux habitants de Valence, en Espagne, endeuillés après de terribles inondations, et ont ainsi saboté ce moment de recueillement.
Vidal ajoute que dans les rues d’Amsterdam, ces supporters ont ouvertement exprimé des opinions politiques en scandant des slogans racistes.
“Ils ont aussi exposé clairement leurs politiques en criant des slogans racistes. Le slogan qu’ils criaient le plus en hébreu, c’est ‘mawet la aravim’, c’est-à-dire ‘mort aux Arabes’, qui n’est évidemment pas une main tendue pour le dialogue. Il y a eu, pire et plus symbolique, c’est qu’ils ont arraché des drapeaux palestiniens qui se trouvaient sur les murs de certaines maisons”, a-t-il ajouté.
Le journaliste et historien français estime qu’il ne s’agit donc pas d’un incident unilatéral mais que les violences sont arrivées après une première phase de provocations de la part des supporters du club Maccabi.
“Tout ça pour dire non pas que les violences contre eux étaient justifiées, la violence n’est jamais justifiée, mais disons qu’il y a eu une première étape qui était une étape de provocation des supporters du club Maccabi. J’ajoute que quand on connaît l’État d’Israël, on sait que le club Maccabi a des supporters qui sont extrêmement engagés à droite, voire à l’extrême droite. Donc ce n’est pas une surprise d’avoir tout d’un coup des gentils supporters qui seraient agressés comme Israéliens ou comme Juifs.”
Antisionisme et antisémitisme
Depuis plusieurs années des députés, sénateurs, ministres et le président de la République sont lancés dans une course à qui mieux mieux, pour pénaliser l’antisionisme comme un crime antisémite.
L’année dernière, en octobre 2023, plusieurs sénateurs avaient déposé une proposition de loi visant à pénaliser l’antisionisme de 5 ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.
De même que le président de la République Emmanuel Macron avait assimilé en mars dernier, lors d’une réception du Crif à l’Elysée, l’antisionisme à de l’antisémitisme.
Récemment encore, début novembre de cette année, Caroline Yadan la députée macroniste pour la 8e circonscription des Français de l’étranger, qui fait presque regretter l’inénarrable Meyer Habib qu’elle est venue remplacer, a déposé une proposition de loi visant “à lutter contre les nouvelles formes d’antisémitisme”, signé également par l’ancien président François Hollande et plusieurs députés PS.
Cette nouvelle loi qui propose de pénaliser les slogans tels que “de la mer au Jourdain”, n’est rien d’autre qu’un nouvel effort d’amalgamer antisionisme et antisémitisme, et réprimer toutes les voix de soutien à la Palestine dénonçant la colonisation israélienne.
Dominique Vidal souligne pour sa part que l’antisionisme est avant tout un phénomène juif et qu’il serait donc contradictoire de le confondre avec l’antisémitisme.
“C’est un débat qui a toujours traversé les communautés juives depuis la fin du XIXe siècle. Emmanuel Macron avait envisagé une loi pour interdire l’antisionisme. Il a dû renoncer à cette loi lui-même lors du dîner du Crif à Paris il y a cinq ans maintenant. Et ce n’est pas un hasard, c’est-à-dire qu’il y a eu une très forte résistance à l’idée d’une loi qui condamne l’antisionisme parce qu’il n’y a pas de délit d’opinion en France”.
Il ajoute que s’il y a en effet une hausse des actes antisémites en France compte tenu de la conjoncture politique, il est surtout question de l’”utilisation croissante de l’antisémitisme” comme moyen de dissuader les critiques envers le gouvernement israélien.
“C’est une forme de chantage pour dire à tous ceux qui critiquent la politique du gouvernement Netanyahou qu’ils seraient antisémites. C’est une manière de les faire taire. Parce qu’en France, le fait d’être accusé d’antisémitisme est évidemment quelque chose de grave et qui contribue à ce que ceux qui sont accusés se taisent”, déplore Vidal.
Albanese, “antisémite”
Mais cette arme de dissuasion massive dépasse largement le simple cadre de la France et devient un moyen auquel recourt largement le gouvernement israélien.
Fin octobre, Israël avait réclamé, la démission de Francesca Albanese, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, au lendemain d’un nouveau rapport de cette experte indépendante de l’Onu dans lequel elle souligne qu’ ‘’Israël mène une campagne de génocide contre les Palestiniens’’.
« Une nouvelle fois, l’ONU a déroulé le tapis rouge pour l’une des personnalités les plus antisémites de l’Histoire moderne’’, avait réagi sur X, l’ambassadeur israélien à l’Onu, Danny Danon, réclamant la démission de la juriste italienne.
‘’Selon sa représentation du monde remplie de haine, l’Etat d’Israël n’a aucune raison historique d’exister, aucun droit de défendre sa population, et l’attaque du 7 octobre et le sauvetage des otages ne sont qu’une excuse utilisée par Israël’’, avait ajouté le diplomate israélien.
Dans cette atmosphère délétère où se trouve la monde, l’utilisation de l’accusation d’antisémitisme devient un outil de terrorisme intellectuel redoutable qui sert à dissuader d’emblée toute critique envers Israël.
La menace d’être publiquement qualifié d’antisémite fonctionne comme un moyen de restreindre la critique des actions israéliennes et d’encourager l’autocensure.
Ainsi des universitaires, des journalistes, et même des responsables politiques hésitent souvent à exprimer des opinions tranchées de peur d’être marginalisés ou de voir leur réputation entachée.
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