MM. Xi et Poutine devraient logiquement aborder à nouveau le conflit en Ukraine, Pékin ayant proposé le mois dernier un plan de paix, mais aussi leur coopération au sens large et l’approfondissement de leurs liens économiques, avec la signature attendue d’accords.
La visite d’Etat de trois jours de M. Xi en Russie est une occasion pour Vladimir Poutine de s’afficher avec un allié de poids, alors qu’il est de plus en plus isolé en Occident et visé depuis la semaine dernière par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI).
Le Premier ministre du Japon Fumio Kishida est quant à lui en route vers Kiev pour une visite surprise et une rencontre, mardi, avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, a fait savoir Tokyo.
M. Kishida va « transmettre au président Zelensky son respect pour le courage et la persévérance du peuple ukrainien qui défend sa patrie sous son commandement, ainsi que la solidarité et le soutien infaillible à l’Ukraine du Japon et du G7 », a déclaré la diplomatie nippone dans un communiqué.
Fumio Kishida était le seul dirigeant membre du groupe à ne pas encore être allé à Kiev depuis le début du conflit en février 2022. Il devient aussi le premier chef de gouvernement japonais à se rendre dans une zone de conflit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Couverture diplomatique
Tokyo s’est joint aux sanctions occidentales contre la Russie et a annoncé en février une nouvelle aide de 5,5 milliards de dollars (5,1 milliards d’euros) à l’Ukraine. Le Japon n’a cependant pas fourni d’aide militaire, sa Constitution pacifiste le lui interdisant.
Lundi, MM. Xi et Poutine se sont entretenus en tête-à-tête pendant quatre heures et demie, lors d’une première rencontre informelle au Kremlin.
« Je sais que vous (…) avez une position juste et équilibrée sur les questions internationales les plus pressantes », a indiqué M. Poutine à son hôte chinois au début de cette rencontre, en l’appelant « mon cher ami ».
Il a également dit considérer « avec respect » le plan de paix de Pékin en Ukraine et a déclaré que la Russie et la Chine avaient « plein d’objectifs » en commun.
Lors de leur échange, M. Xi, cité par l’agence de presse officielle Chine nouvelle, a lui assuré que la Chine « allait continuer à jouer un rôle constructif » pour trouver une issue politique au conflit en Ukraine.
La Chine se pose en médiateur en Ukraine et a publié en février un document énonçant plusieurs principes, comme le respect de la souveraineté territoriale, et appelant Moscou et Kiev à s’investir dans des pourparlers de paix.
Mais l’Occident juge que Pékin soutient trop Moscou pour servir de médiateur crédible. Récemment, Washington a même accusé les autorités chinoises d’envisager de livrer des armes à la Russie, ce qu’elles démentent fermement.
D’autres, en Occident, jugent que la Chine pourrait s’inspirer de l’attaque russe en Ukraine pour prendre le contrôle de Taïwan.
Lundi encore, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a affirmé que « le monde ne doit pas être dupe face à toute décision tactique de la Russie, soutenue par la Chine ou tout autre pays, de geler le conflit (en Ukraine) selon ses propres conditions ».
M. Blinken a souligné que M. Xi s’était rendu en Russie trois jours à peine après le mandat d’arrêt de la CPI visant M. Poutine ce qui, selon le diplomate américain, suggère que la Chine n’éprouve pas le besoin « de tenir responsable le président (russe) des atrocités infligées à l’Ukraine ».
Selon Antony Blinken, cette visite « fournirait plutôt une couverture diplomatique à la Russie pour continuer à commettre de grands crimes ».
Lundi, la diplomatie chinoise avait, elle, appelé la CPI à éviter toute « politisation » et à respecter l’immunité des chefs d’Etat.
Pour sa part, Kiev, prudent sur les intentions chinoises, a exhorté lundi M. Xi à « user de son influence sur Moscou pour qu’il mette fin à la guerre d’agression ».
Contrepoids géopolitique
Interrogé par l’AFP, l’expert français Antoine Bondaz, spécialiste de la diplomatie chinoise, estime que Pékin cherche à promouvoir dans le dossier ukrainien une « image de facteur de stabilité (…) particulièrement auprès des pays non occidentaux », tout en essayant de « délégitimer les régimes démocratiques ».
Ces dernières années, Pékin et Moscou se posent en effet comme des contrepoids géopolitiques à la puissance américaine et ses alliés.
Les questions économiques et financières devraient également constituer une grosse partie des discussions de mardi entre Xi Jinping et Vladimir Poutine.
La Russie a notamment augmenté ses exportations d’hydrocarbures vers l’Asie pour compenser les embargos européens ce qui, selon des observateurs, la rend de plus en plus dépendante de Pékin.