Le Parlement israélien a adopté jeudi une loi limitant la possibilité de déclarer un Premier ministre inapte à sa charge, l’opposition dénonçant un texte taillé sur mesure pour l’actuel chef du gouvernement Benjamin Netanyahu.
Les députés ont adopté, par 61 voix contre 47, un amendement à la loi fondamentale dite « Le gouvernement » précisant à quelles conditions un Premier ministre peut être déclaré temporairement inapte à exercer ses fonctions.
Les lois fondamentales font office de Constitution en Israël, et jusque-là, celle sur le gouvernement stipulait que le Premier ministre pouvait être déclaré inapte, mais sans préciser les motifs pouvant entraîner une telle décision, ni détailler la procédure.
Désormais, le chef de l’exécutif ne peut être déclaré inapte qu’en cas d’incapacité physique ou mentale, et dans seulement deux cas de figure : qu’il en fasse lui-même la demande, ou à l’issue d’une procédure enclenchée par un vote du gouvernement avec une majorité des trois quarts des ministres.
La nouvelle loi « limite de fait les possibilités de déclarer un Premier ministre inapte à exercer ses fonctions », explique à l’AFP Guy Lurie, chercheur à l’Institut démocratique d’Israël, centre de recherche à Jérusalem : « Les raisons autres que celles précisées dans l’amendement ne seront plus recevables. »
M. Lurie rappelle que la question de l’inaptitude du Premier ministre s’était posée lorsque Ehud Olmert, chef du gouvernement de 2006 à 2009, avait « été interrogé par la police » pour une affaire de corruption, avant de finalement démissionner.
Il s’agissait alors « de savoir s’il pouvait continuer à exercer. Si la Cour suprême avait à l’époque rejeté une pétition demandant qu’il soit déclaré inapte, elle [avait] laissé entendre qu’un conflit d’intérêts pouvait être considéré comme [un motif d’]inaptitude », ajoute-t-il.
Début février, une ONG anti-corruption avait adressé une pétition à la Cour en vue d’obtenir la destitution de Netanyahu. L’ONG affirmait dans sa plainte que sa fonction de Premier ministre le place dans une situation de conflit d’intérêt à cause de son procès en cours pour plusieurs affaires de corruption.
Récemment, le bureau de la procureure générale d’Israël avait démenti une rumeur selon laquelle cette magistrate aurait envisagé de contraindre M. Netanyahu à démissionner.
« La coalition a maintenant adopté une loi personnelle, obscène et corrompue contre une rumeur infondée de destitution » a déclaré sur Twitter le chef de l’opposition Yaïr Lapid, pour qui, « une fois de plus, Netanyahu ne se soucie que de lui-même ».
Des mois de manifestations
Le vote du Parlement intervient alors que le projet de réforme de la justice voulue par le gouvernement Netanyahu divise profondément le pays depuis plusieurs mois.
Jeudi, les manifestants ont lancé une quatrième journée de manifestations en milieu de semaine. La police a déclaré avoir procédé à plusieurs arrestations dans tout le pays.
Shikma Bressler, l’un des leaders de la manifestation, fait partie des personnes arrêtées, selon les organisateurs.
Les manifestants ont bloqué l’autoroute principale de Tel Aviv, ville balnéaire, et la police a utilisé des canons à eau pour disperser les manifestants dans cette ville et à Haïfa, dans le nord.
Au cours des 12 dernières semaines, Israël a connu des manifestations de masse contre le plan de réforme judiciaire du gouvernement, considéré par l’opposition comme une tentative de réduire les pouvoirs de l’autorité judiciaire au profit de l’autorité exécutive.