Des avions militaires survolent la banlieue nord de Khartoum où les troupes des deux généraux en guerre pour le pouvoir échangent des tirs à la mitrailleuse et à l’arme lourde, rapportent des témoins à l’AFP, en dépit de la trêve de 72 heures conclue sous l’égide des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite, qui a débuté mardi.
Les nombreuses tentatives de faire taire les armes ont échoué depuis le début du conflit le 15 avril entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, et les très redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti ».
Mercredi soir, l’armée a annoncé avoir accepté d’envoyer un représentant à Juba, la capitale du Soudan du Sud voisin, pour des pourparlers avec les FSR « à l’initiative de l’IGAD », bloc régional d’Afrique de l’Est.
Le général Burhane a dit accepter de discuter d’une prolongation de la trêve de 72 heures qui doit s’achever jeudi à minuit et a été globalement peu respectée.
Les paramilitaires n’ont de leur côté pas commenté cette initiative régionale.
Selon le ministère soudanais de la Santé, au moins 512 personnes ont été tuées et 4.193 blessées depuis le début du conflit, mais le bilan est vraisemblablement beaucoup plus élevé.
« Votre guerre, pas la nôtre »
Au-delà de la capitale, les violences déchirent depuis le début également d’autres région du Soudan, notamment le Darfour-Ouest.
Pillages, meurtres et incendies de maisons ont lieu à El-Geneina, chef-lieu de cette région frontalière du Tchad et théâtre dans les années 2000 d’une très sanglante guerre, selon l’ONU.
Les Nations Unies, qui ont dû interrompre leurs activités après la mort de cinq humanitaires, préviennent qu’elles ne peuvent plus aider là-bas « 50.000 enfants souffrant de malnutrition aiguë ».
Les combats ont provoqué un exode massif et plongé un peu plus dans la détresse le pays de 45 millions d’habitants, déjà l’un des plus pauvres au monde.
En route vers la frontière avec l’Egypte voisine, Achraf, un Soudanais qui a fui Khartoum, appelle les deux généraux rivaux à « cesser la guerre ».
« Les Soudanais souffrent et ne méritent pas cela. C’est votre guerre, pas celle du peuple soudanais », dit cet homme de 50 ans, rencontré par l’AFP au beau milieu du désert du nord.
Pour ceux restés au Soudan, il faut composer avec les pénuries de nourriture, d’eau et d’électricité. Les lignes téléphoniques et internet sont régulièrement inaccessibles.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont déjà arrivées dans les pays frontaliers, notamment l’Egypte au nord et l’Ethiopie à l’est, selon l’ONU qui craint un exode massif.
Au total, 270.000 personnes pourraient fuir au Tchad et au Soudan du Sud, estime l’organisation internationale.
Hôpitaux hors service
Ces derniers jours, des gouvernements de pays étrangers ont organisé des convois par la route, les airs et la mer pour évacuer leurs ressortissants.
Jusqu’ici, 14 hôpitaux ont été bombardés, selon le syndicat des médecins, et 19 autres ont été évacués de force car ils étaient sous les tirs, n’avaient plus aucun matériel ou personnel ou parce que des combattants y avaient pris leurs quartiers.
Dans le chaos général, des centaines de détenus se sont évadés de trois prisons, en particulier l’établissement de haute sécurité de Kober, qui accueillait le premier cercle de l’ancien dirigeant Omar el-Béchir.
Détenu dans un hôpital militaire en raison de son état de santé, selon l’armée, Béchir, âgé de 79 ans, a été limogé par l’armée en avril 2019 sous la pression de la rue.
Les deux généraux aujourd’hui en guerre avaient évincé ensemble les civils du pouvoir en 2021, avant d’entrer en guerre parce qu’ils ne parvenaient pas à s’accorder sur l’intégration des paramilitaires à l’armée.