La compagnie maritime assurant la liaison entre le département français de Mayotte et les Comores a annoncé jeudi « suspendre les rotations jusqu’à nouvel ordre », sur fond de tensions sur la question du renvoi des personnes sans-papiers.
Les autorités françaises ont déployé depuis plusieurs jours d’importants moyens pour déloger des migrants illégaux des bidonvilles de Mayotte dans le cadre d’une opération controversée baptisée « Wuambushu » (« reprise » en mahorais). Quelque 1.800 policiers et gendarmes sont mobilisés.
Les Comoriens en situation irrégulière, soit la grande majorité des sans-papiers présents dans l’archipel français de l’océan Indien, devaient être renvoyés sur l’île comorienne la plus proche, Anjouan, à seulement 70 km.
Mais un bras de fer s’est engagé depuis lundi, Moroni ayant refusé l’accostage d’un bateau en provenance de Mayotte transportant 60 passagers dont des migrants et suspendu le trafic de passagers dans le port de Mutsamudu (Anjouan, nord-ouest) où les personnes expulsées sont habituellement débarquées.
Les autorités portuaires comoriennes ont annoncé jeudi que les bateaux en provenance de Mayotte étaient à nouveau autorisés à accoster, mais « ne débarqueront demain que des passagers qui seront pourvus de leur carte d’identité nationale », a déclaré Mohamed Salim Dahalani, directeur des autorités portuaires, lors d’une conférence de presse au port de Mutsamudu.
De nombreux migrants se débarrassent de leurs papiers une fois arrivés en sol étranger, dans le but d’éviter leur renvoi vers leur pays d’origine ou pour tenter de se faire passer pour des mineurs.
« Aucun refoulé »
Plus tard dans la journée, la compagnie maritime opérant la liaison a annoncé toutefois suspendre le trafic.
« La compagnie SGTM décide de suspendre ses rotations jusqu’à nouvel ordre, compte tenu du contexte actuel, qui entrave le bon fonctionnement de son activité », a-t-elle annoncé sur Facebook ainsi que dans un message distribué à ses employés et dont l’AFP a eu copie.
Ces dernières semaines, Moroni a multiplié les appels pour que Paris annule l’opération « Wuambushu » mise sur pied par le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin, expliquant ne pas avoir les moyens d’accueillir un afflux de migrants.
Le président comorien, Azali Assoumani, qui assure depuis février la présidence de l’Union africaine, avait dit espérer « que l’opération sera annulée », en reconnaissant ne pas avoir les moyens de la stopper.
Les Comores se sont engagées dans un accord signé en 2019 à « coopérer » avec Paris sur les questions d’immigration en échange d’une aide au développement de 150 millions d’euros.
« L’Union des Comores n’a pas à payer pour les conséquences d’une opération Wuambushu non concertée », a martelé jeudi le porte-parole du gouvernement Houmed Msaidie, joint par téléphone.
« Aucun refoulé n’a le droit d’être embarqué » sous peine pour la compagnie maritime « de se voir retirer sa licence, a-t-il ajouté.
Située entre Madagascar et la côte est-africaine, Mayotte appartient géographiquement à l’archipel comorien. Elle s’est séparée des Comores en 1974 à l’issue d’un référendum où les trois autres îles ont choisi l’indépendance.
Mayotte est devenue département français en 2011 mais l’Union des Comores refuse toujours de reconnaître la souveraineté de la France.
De nombreux migrants africains périssent régulièrement dans des naufrages en tentant de rallier clandestinement Mayotte à bord de petites embarcations de pêche à moteur appelées kwassa kwassa.
Mayotte, qui est le 101ème département français, en est surtout le plus pauvre. Peuplée de plus de 270 000 habitants, elle se situe à 70 kilomètres de l’île comorienne d’Anjouan.
Selon l’Institut national des statistiques français (Insee), près de la moitié des 350.000 habitants de Mayotte ne possèdent pas la nationalité française.