« On entend des coups de feu, des avions militaires et des tirs antiaériens », a rapporté à l’AFP un habitant de Khartoum.
D’autres témoins confirment des « bombardements aériens » dans différents quartiers de la capitale en proie au chaos depuis que le chef de l’armée Abdel Fattah al-Burhane et son second, Mohamed Hamdane Daglo, à la tête des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), sont entrés en guerre pour le pouvoir le 15 avril.
Plus de 500 personnes ont été tuées, principalement à Khartoum et au Darfour (ouest), et des milliers blessées, selon un bilan largement sous-évalué.
Une nouvelle trêve, violée dès son début, doit s’achever mercredi à minuit. Elle permet néanmoins la poursuite des évacuations, la Russie et le Pakistan ayant annoncé mardi le départ de centaines de leurs ressortissants.
Plus de 330.000 personnes ont été déplacées et 100.000 sont parties vers les pays voisins, selon l’ONU qui s’attend à huit fois plus de réfugiés. Ceux qui restent endurent des pénuries d’eau, d’électricité et de nourriture à Khartoum, l’une des villes les plus chaudes du monde.
« Discussions techniques »
Le conflit a plongé le pays, l’un des plus pauvres au monde, dans une « véritable catastrophe », selon l’ONU qui n’a reçu « que 14% » des fonds réclamés cette année: 1,5 milliard de dollars manquent à l’appel.
Mais pour le président kenyan William Ruto, l’un des médiateurs régionaux, les deux généraux refusent « d’entendre les appels » de la communauté internationale.
Américains, Saoudiens et dirigeants africains cherchent pour le moment à faire respecter la trêve. Sur ce point, les deux belligérants assurent « être prêts à entamer des discussions techniques », a dit l’émissaire de l’ONU au Soudan, Volker Perthes.
Mais elles ne seront « pas en face à face » et « pourraient se tenir en Arabie saoudite », avant qu’un retour aux négociations politiques soit envisageable, a-t-il martelé.
Les deux généraux devaient se voir le 15 avril, mais ils ont préféré faire parler les armes, avait raconté ces derniers jours M. Perthes.
Les deux hommes avaient fait front commun en 2021 pour évincer par un putsch les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute de Omar el-Béchir deux ans plus tôt. Mais des divergences sont ensuite apparues pour se transformer en guerre ouverte lorsque les rivaux en treillis n’ont pas réussi à s’entendre sur l’intégration des FSR dans l’armée.
Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a « réitéré le soutien des Etats-Unis » aux efforts diplomatiques pour « mettre fin au conflit » et assurer « un accès humanitaire sans entrave ».
Après les autorités saoudiennes, un émissaire du général Burhane a rencontré les autorités égyptiennes au Caire, où la Ligue arabe discute du Soudan depuis lundi.
« Travailler ensemble »
Mais l’Union africaine (UA) a appelé à « éviter les incohérences d’une action dispersée ». « Notre priorité aujourd’hui est de faire respecter et prolonger le cessez-le-feu », a assuré Moussa Faki, le président de la Commission de l’UA.
L’objectif est « la reprise du processus politique dans le pays », a-t-il ajouté, insistant sur l’importance « de travailler ensemble ».
« Plus nous prenons de temps à coordonner nos efforts, plus nous perdons des chances de contribuer à résoudre cette crise », a approuvé l’Ethiopien Ismail Wais, représentant de l’IGAD, bloc régional de l’Afrique de l’est.
Dans tous les cas, « sans intervention décisive, le scénario le plus probable est celui d’une guerre civile protéiforme, longue et sanglante », écrit Ernst Jan Hogendoorn pour Atlantic Council.
Cet expert du Soudan s’attend à une « catastrophe humanitaire ahurissante, semblable à celle en Somalie, en Syrie ou au Yémen », avec un risque de déstabilisation régionale.
Depuis Nairobi, le responsable de l’ONU pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths, tente de négocier l’entrée de l’aide alors que les bombardements et les pillages n’ont épargné ni les hôpitaux ni les organisations humanitaires.
L’aide parvient toutefois au compte-gouttes: MSF a acheminé « dix tonnes » de fournitures médicales mardi après six conteneurs de l’OMS et un avion de la Croix-Rouge.
La situation est plus critique encore au Darfour-Ouest, frontalier du Tchad, où les violences ont tué, selon l’ONU, une centaine de personnes depuis la semaine dernière, dans cette région traumatisée par une guerre sanglante dans les années 2000.