Né en 1883 à İzmir, de parents d’origine nigériane, Ahmet Ali Celikten entre dans l’histoire de l’aviation en devenant le premier pilote de chasse d’origine africaine.

Bien que nous n’ayons que peu d’informations, l’histoire de la famille Celikten au sein de l’Empire ottoman remonterait aux années 1830, avec l’arrivée de sa grand-mère au palais ottoman en tant que servante, avant de s’installer à İzmir où se trouve toujours aujourd’hui une importante communauté d’Afro-Turcs.

C’est ici que Zenciye Emine Hanım et Ali Bey, citoyens ottomans à part entière, donnent naissance à Ahmet Ali, l’aîné d’une fratrie de trois enfants.

La mort précoce de son père, l’incite à prendre ses responsabilités pour subvenir aux besoins de sa famille.

Ahmet Ali Çelikten avec d’autres pilotes turcs
(Others)

En 1904, Ahmet Ali Bey entreprend d’abord une formation à l’école navale, Haddehâne Mektebi, dont il sort diplômé avec le grade de lieutenant en 1908. Outre une formation technique et mécanique, il reçut également une formation linguistique et militaire. Il est indéniable que son éducation à l’école navale a considérablement enrichi ses connaissances dans le domaine militaire pour sa future carrière en tant que pilote de chasse.

En 1912, l’Empire ottoman fonde une école de pilotage militaire, puis une école aéronavale le 25 juin 1914, dans le district de Yeşilköy, à Istanbul. Peu avant le début de la Première guerre mondiale, l’école aéronavale ottomane a été dirigée pendant une courte période par le commandant français Louis De Goys. Ahmet Ali Bey fut l’un des premiers élèves de cette école sous la direction du commandant français.

Ahmet Ali Celikten (au centre) entouré d’autres pilotes ottomans durant la Première Guerre mondiale
(Others)

Il fit également partie des élèves sélectionnés pour les écoles d’aviation de l’École Blériot en France et de Bristol en Angleterre. Le principal critère de sélection était le niveau d’études et le processus était scrupuleusement respecté par les commandants du ministère de la guerre de l’État ottoman. Ainsi, des étudiants comme Ahmet Ali, frais émoulu de l’armée de l’air, sont sélectionnés en fonction de leurs connaissances en mécanique dans le domaine de l’ingénierie, ce qui leur permet de comprendre plus facilement la structure des avions.

Des documents d’archives ottomanes contiennent des informations importantes sur sa carrière militaire. En 1915, Ahmet Ali Bey a servi dans la bataille de Canakkale avec son frère, Ali Efendi, mort au champ d’honneur.

Le 14 février 1917, il est promu capitaine, avant d’être envoyé en Allemagne où il suit des cours théoriques et pratiques pour parfaire sa formation de pilotage. Il rentre à Istanbul à la fin de la Première Guerre mondiale et rejoint les forces de résistance en Anatolie.

Il sert bénévolement à la base militaire d’aviation de Konya, assumant des rôles importants dans la protection du pays contre les puissances occidentales, et s’engage dans des activités secrètes pour faire passer clandestinement certains avions sur la Corne d’Or d’Istanbul, sous occupation, vers l’Anatolie.

Il effectue également durant cette période, des missions de reconnaissance aérienne pour suivre les navires ennemis dans la région de la mer Noire occidentale.

Sous la République

Après la guerre d’indépendance, à laquelle il a largement contribué, Ahmet Ali Bey a été gratifié pour les services rendus à la patrie. En 1924, il est nommé instructeur de vol à l’école aérienne militaire établie à Izmir où il s’est installé et a également servi de consultant auprès de l’armée de l’air turque, qui lui décerne plusieurs médailles pour “services exceptionnels”. Après avoir servi dans l’armée de l’air turque jusqu’en 1948, il prend sa retraite avec le titre de honorifique de « Pilote-Héros ».

A sa mort, en 1969, ses funérailles donnent lieu à une cérémonie officielle de l’armée de l’air turque.

Ahmet Ali Bey avec son épouse Hatice Hanım et ses filles Müjgan et Neriman
(Others)

Après la guerre, Ahmet Ali Bey et son épouse, Hatice Hanım, donnent naissance à quatre enfants: Muhammer, Yılmaz, Müjgan et Neriman. Certains d’entre eux ont choisi de suivre la profession de leur père et sont devenus pilotes au sein de la Turkish Airlines et des Forces aériennes turques. La plupart des descendants de Celikten réside toujours aujourd’hui, entre Izmir et Istanbul, selon l’historien Halim Gencoglu.

Ahmet Ali Bey a marqué non seulement l’histoire turco-ottomane par sa bravoure durant la guerre, mais aussi l’histoire de l’aviation en devenant le premier pilote noir du monde. A la même époque, l’Américain Eugene Jacques Bullard (1895-1961) s’était vu refuser la possibilité de devenir pilote dans son pays. Ce refus l’obligea à s’installer en Europe pour exercer cette profession, avant de sombrer dans la pauvreté en tant que mécanicien d’ascenseur. Ceci révèle une situation sociale incomparable aux conditions de vie et distinctions d’Ahmet Ali Bey dans la société turque.

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