Les juges d’instruction chargés de l’enquête sur les activités du cimentier français Lafarge en Syrie ont décidé de renvoyer Lafarge SA et quatre de ses dirigeants devant le tribunal correctionnel pour « financement du terrorisme » et « violation d’un embargo », ont annoncé mercredi les ONG Sherpa et ECCHR (Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains).

Dans un communiqué de presse, les deux organisations, à l’origine de la plainte déposée en 2016 contre Lafarge, sa filiale syrienne et ses dirigeants, ont salué “cette nouvelle étape après huit ans de procédure ».

« La perspective de ce procès ne doit pas occulter l’autre volet fondamental de l’instruction : la société reste mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité commis par des groupes armés », ont-elles souligné.

Dans le détail, les magistrats instructeurs « ont partiellement suivi les réquisitions du procureur de la République » en décidant de renvoyer devant le tribunal correctionnel « la société Lafarge ainsi que quatre anciens dirigeants de la maison-mère et de sa filiale syrienne » pour « financement d’une entreprise terroriste et violation d’un embargo européen interdisant toute relation financière ou commerciale avec les organisations al-Nosra et Daech ».

Sherpa et ECCHR précisent par ailleurs que « deux anciens employés en charge de la sécurité en Syrie, et Firas Tlass, un homme d’affaire syrien, intermédiaire dans cette affaire, sont également renvoyés pour financement d’une entreprise terroriste » tandis que « l’ancien directeur sûreté du groupe a, en revanche, bénéficié d’un non-lieu ».

Cependant, les salariés syriens plaignants ne pourront pas “obtenir réparation lors de ce procès qui ne portera que sur des infractions liées au terrorisme pour lesquelles ils ont été jugés irrecevables ».

Pour rappel, un accord a été passé jusqu’en 2014 entre Lafarge et des organisations terroristes, dont Daech, pour permettre au fabricant de ciment de maintenir ses activités en Syrie. Des documents révélés par Anadolu en septembre 2021 montrent que le groupe Lafarge avait régulièrement informé les services de renseignements français des arrangements passés avec Daech afin de poursuivre ses opérations en Syrie.

Ces échanges et divers procès-verbaux d’auditions montrent également que les services français ont exploité Lafarge pour obtenir des informations sur les activités de Daech, sans jamais avertir le cimentier des potentielles implications pénales de ses actions.

Le groupe est soupçonné d’avoir versé, entre 2013 et 2014, une somme estimée à 13 millions d’euros à des groupes terroristes, dont Daech, dans le but de maintenir ses activités en Syrie malgré le conflit.

Aux États-Unis, Lafarge a été condamné à une amende de 778 millions de dollars en octobre 2022 pour son soutien aux groupes terroristes en Syrie.

AA